La liberté sexuelle et reproductive – un droit des femmes

San José, Costa Rica, le 20 janvier 2012

Résolution

Vers le milieu des années quatre-vingts une série de conférences internationales des Nations unies, ONU, a examiné les problématiques des droits de la personne humaine ; cette réflexion a ouvert la voie à des conventions et accords internationaux signés et ratifiés par les États membres de l’ONU.

Parmi elles, les conférences les plus pertinentes et celles qui faisaient spécifiquement référence aux droits des femmes et des filles, étaient :

La Conférence de l’ONU sur les droits de la personne humaine tenue à Vienne en 1993, qui abordait les droits humains des femmes et des filles et déclarait que les droits des femmes sont des de la personne humaine ;

La Conférence internationale de l’ONU sur la population et le développement tenue au Caire en 1994 qui incluait les droits de santé sexuelle et reproductive et les droits des femmes à l’ordre du jour des droits de la personne humaine, mettant les femmes au centre des politiques relatives à la population ; et

La Quatrième Conférence mondiale de l’ONU sur les femmes tenue à Beijing en 1995, qui soulignait et donnait encore plus d’importance aux droits des femmes, y compris leurs droits sexuels et reproductifs, en les définissant comme un facteur critique au développement.

Ces conférences ont débouché sur un engagement sans précédent de la part de plupart des gouvernements du monde, donnant un nouvel élan à la compréhension des droits humains des femmes dans le monde.

Pendant les années qui ont suivi, la législation sur les droits des femmes en général et sur la santé et les droits sexuels et reproductifs des femmes en particulier a beaucoup évolué. Ces nouveaux textes sont devenus ultérieurement les piliers sur lesquels le Programme d’action de Beijing a focalisé ses deux principes : « la mise en œuvre de la dimension féminine dans toutes les politiques et tous les programmes » et « l’autonomisation des femmes dans tous les domaines de la vie ».

Malheureusement, les dix premières années du vingt et unième siècle ont coïncidé avec un retour de manivelle quant à la construction d’un monde plus égal : les inégalités ont de plus en plus augmenté suite à l’adoption de politiques néolibérales par de nombreux pays, accompagnées par une poussée conservatrice des politiques concernant les droits des femmes en général et leurs droits sexuels et reproductifs en particulier.

Les conséquences étaient nombreuses : des projets d’éducation et d’information, des services de conseil sur les droits sexuels et reproductifs des femmes et des filles ont été annulés ; le soutien des programmes de contraception et de planning familial a été très réduit ; l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive a été rendu de plus en plus difficile au plan financier et géographique ; le principe d’autodétermination a été remis en cause ou nié et la législation sur l’avortement sûr a été restreinte ou abrogée ; les personnes vivant avec le VIH ont souffert de discrimination et la transmission du VIH a été criminalisée. La ratification du Protocole facultatif à la CEDAW était considérée par les conservateurs et les fondamentalistes comme dangereuse, une violation de la législation sur l’avortement et un risque pour la souveraineté nationale en faveur des forces du mal.

Tout cela continue à se produire dans de nombreux pays du monde, de l’Europe centrale et orientale à l’Asie centrale ainsi qu’en Amérique latine et dans les Caraïbes, principalement à l’initiative des gouvernements conservateurs mais aussi malheureusement dans certains cas à l’initiative ou avec la participation de forces progressives, y compris les partis membres de l’Internationale Socialiste. Ces pays tentent d’éliminer plusieurs dizaines d’années de lutte par les femmes pour être reconnues comme des personnes dont la dignité et les droits à la vie privée et à la santé sont parmi d’autres droits universels inaliénables.

L’Internationale socialiste des Femmes exprime sa profonde inquiétude à propos de cette tendance alarmante, manifestation claire des cultures patriarcales dominantes cherchant à normaliser et à reproduire la subordination et la discrimination à l’égard des femmes dans le domaine de la sexualité et de la reproduction.

L’Internationale socialiste des Femmes adopte une position claire contre ces développements et lance un appel pour arrêter cette réaction conservatrice et misogyne et invite toutes les personnes et tous les partis, dirigeants et leaders d’opinion à unir leurs forces et souligner que les droits sexuels et reproductifs couvrent aussi le droit à la protection contre les pratiques traditionnelles néfastes pour la santé physique et mentale des femmes. Tout en prétendant défendre des vies, le résultat indirect de la législation durcie concernant l’avortement est souvent une peine de mort implicite pour de nombreuses femmes alors qu’au contraire une législation juste sur l’avortement réduit le nombre de décès.

L’Internationale socialiste des Femmes incite donc toutes les parties prenantes, en particulier les gouvernements dirigés par des partis socialistes et socio-démocrates et à tous les partis membres de l‘Internationale Socialiste à :

Promouvoir et protéger les droits sexuels et reproductifs des femmes et des filles en garantissant l’adoption de lois et de politiques favorables à la santé et aux droits sexuels et reproductifs à tous les niveaux ;

Donner priorité à la promotion et la protection des droits sexuels et reproductifs en concevant des politiques sociales et sanitaires et en renforçant et développant des programmes pour toutes les femmes et les jeunes ;

Mettre en place des programmes d’éducation et d’information sexuelle complets qui feront la promotion des droits sexuels et reproductifs, de l’égalité des sexes et surmonteront les stéréotypes culturels liés aux genre ;

Offrir un soutien continu aux femmes et aux hommes dans le monde entier qui luttent pour les droits humains, y compris les droits sexuels et reproductifs des femmes ;

Inciter les femmes et les hommes dans le monde entier à continuer et à renforcer la lutte contre les pratiques qui nient les droits sexuels et reproductifs des femmes ;

Demander la participation des ONG dans la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques concernant la santé et les droits sexuels et reproductifs des femmes ;

Demander l’accès aux droits reproductifs pour celles qui sont infertiles, en exploitant les opportunités offertes par les progrès de la science ;

Exiger de mettre fin à la discrimination et la violence répandues envers les personnes sur la base de leur orientation sexuelle et de leur identité de genre et lancer un appel aux États pour qu’ils appliquent le cadre juridique international et mettent fin à ces violations des droits humains ;

Augmenter la responsabilité des gouvernements envers les engagements pris auprès des organes et traités internationaux relatifs aux problèmes des droits sexuels et reproductifs des femmes et également obtenir un solide engagement gouvernemental par le biais des fonds disponibles ;

Faire en sorte que les jeunes entre 10 et 24 ans aient accès à des services complets de santé sexuelle et reproductive et d’éducation sexuelle, et que des politiques nécessaires pour une vie sûre et saine soient conçues ; et

Concevoir des politiques et affecter des fonds pour prendre en charge la prévention, le traitement et le soin des personnes vivant avec le VIH et d’autres maladies sexuellement transmissibles et supprimer la législation criminalisant la transmission du VIH.

 

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